C'est un texte qui me taraude depuis quelques jours/semaines alors voilà. Je crois qu'à la fin j'ai arrêté de respirer parce que j'étais tout essoufflé !
Ses doigts effleuraient sa joue
rosie par l’émotion, ses prunelles dévoraient celle qu’il convoitait tant. Il
promena le bout de sa main contre ce visage doux et pâle à l’ovale légère et au
menton pointu, aux lèvres charnue et au nez droit. Ses lèvres se posèrent
contre les siennes alors que sa main caressait sa cuisse. Il l’amena doucement
contre le mur tapissé de la pièce. Elle avait gardé les paupières obstinément
closes, comme pour retarder le plus possible le contact visuel. Mais alors que
son dos touchait la paroi, elle ouvrit les yeux, dévoilant deux iris d’un noir
intense, dévorés par le désir. Elle chuchota…
« THOMAS ! »
C’était plus un hurlement qui cri
de détresse. Plus un dernier souffle qu’un souffle de peur. Plus de l’amour que de l’effroi. Elle se
savait perdue.
Graham leva brusquement le nez de
ses papiers. Ses lunettes volèrent sur le bureau d’acajou et de nombreux
papiers s’envolèrent alors que l’homme se levait brusquement de sa chaise. Il
fit le tour du beau secrétaire en bois et se jeta sur la porte de la pièce. Il
l’ouvrit à la volée et se précipita dans le couloir, fonçant sur le tapis
émeraude comme si sa vie en dépendait.
Mais sa vie n’en dépendait pas.
Pas la sienne tout du moins.
Ses mains se faisaient de plus en
plus pressantes. Elles se glissaient sous les broderies fines de sa robe,
caressaient doucement les cuisses d’Amy mais avec de moins en moins de retenue,
comme si l’envie prenait le pas sur les convenances.
Les lèvres écarlates de la
somptueuse brune embrassèrent le menton mal rasé et la mâchoire carrée de son
amant. Elle lui susurrait des mots doux à l’oreille, des mots qui ne faisaient
qu’attiser son envie d’elle, l’envie de la toucher, de l’avoir, de la posséder.
Il la tira brusquement sur le
lit.
« Thomas »
Ca n’était plus qu’un souffle à
présent. Le bruit mat qui se répétait à l’infini depuis quelques secondes cessa
enfin de vriller les tympans de Thomas Graham. Il pleurait. Comme un enfant. Il
traversa le hall en larmes, grimpa l’escalier de marbre drapé de velours. Il
fonça à travers les couloirs de sa propre maison, sachant pertinemment qu’il
courait vers un cadavre.
« ELISE » hurla-t-il,
la voix rauque, brisée.
« Amy, oh Amy. »
Leurs corps ne faisaient plus
qu’un, Thomas agitait ses cheveux bruns mi-longs et poisseux de sueur. Son
corps brillait aussi par l’effort. Amy caressa son torse parsemé de poils aussi
bruns que ses cheveux et lui intima de continuer. Ils étaient là. Ensemble.
C’était tout ce qu’elle avait toujours voulu, tout ce qui lui suffisait. Il lui
semblait qu’une simple seconde comblée par Thomas Graham valait des siècles de
souffrances.
« Souffre ! Souffre !
Souffre ! Souffre ! »
Graham arrivait enfin à la porte
de la chambre de sa femme. Il tambourina contre le panneau de bois avant de le
pulvériser.
Lorsqu’il entra dans la pièce,
l’odeur métallique du sang lui prit la gorge, les larmes lui brouillaient la
vue, ses mains tremblaient. Et Amy continuait de hurler…
« Oui, oui,
oui ! »
Le bassin de l’homme continuait
ses va-et-vient, son souffle se faisait de plus en plus irrégulier, ses
mouvements plus secs. Les mains d’Amy replacèrent une mèche de ses cheveux
derrière son oreille pour admirer dans toute sa superbe ce visage qu’elle
aimait à en crever, taillé à la serpe, serti de deux émeraudes luisantes de
désir. Elle caressa ses joues rêches, ses bras tannés, son bassin puissant. Et
cria à nouveau « Oui, oui…
Oui. » sourit Amy.
« C’est moi. »
Graham ne bougeait plus. Une
seule chose l’obsédait à présent. C’était cette tâche de sang contre le mur et
la main de cette femme qui enserrait les cheveux de la femme qu’il aimait. De
la morte qu’il aimait. Il hurla à plein poumons avant de se jeter sur la
meurtrière.
Ses mains agrippèrent son cou
délicat dans un râle impulsif de plaisir. Ses lèvres embrassèrent ses
clavicules alors que ses hanches continuaient leur hypnotique valse de la
luxure. Soudain, alors que les deux partenaires étaient plus à l’unisson que
jamais, Thomas poussa un gris rauque avant de se cambrer. Puis tout s’arrêta.
Ses mains enserraient son cou à
lui exploser la nuque. Le visage de Graham était convulsé par la haine, de
lourdes veines pulsaient sur ses tempes comme sur celles d’une Amy asphyxiante.
Elle poussa un râle rauque « tu ne peux pas me tuer » souffla-t-elle
en perdant le peu d’oxygène qui restait dans ses poumons. Des tâches obscures
commençaient à brouiller sa vision.
« Ah non ? Et
pourquoi ? »
Les pieds de la jeune femme
écrasèrent involontairement la main écarlate de la morte dans un geste
désespéré de fuite. « Parce que…
… Tu m’aimes ? »
Graham expulsa une volute de
fumée avant de sourire doucement.
« Bien sûr que non »
rit-il « enfin je pensais que c’était clair, toi et moi c’est juste pour
s’amuser, non ? »
« Non. »
Graham avait reculé d’un pas,
comme dégouté par le simple fait de la toucher. Amy s’affaissa comme une poupée
de chiffon, de vilains hématomes fleurissant comme un collier autour de son
cou. Elle reprit difficilement de l’air alors que Graham tirait une lame de sa
poche intérieure. Il jeta un coup d’œil sur sa défunte femme.
« Je lui ai éclaté la tête
contre ce mur » sourit Amy en parlant avec difficulté. « Ce même mur
sur lequel tu m’as fait l’amour. Je l’ai cognée dix-huit fois. » Elle
marqua un temps. « Le nombre de fois que tu m’as fait l’amour. »
Graham se jeta sur elle.
« Je suis bête, bien
sûr » se reprit la jeune femme.
Elle promena ses doigts sur le
torse de son amant, fit glisser sa main joueuse sous la couette. Graham ne
l’arrêta pas. C’était ce qu’il recherchait après tout.
Elle l’attirait. Il ne l’aimait
pas. Mais c’était magnétique, il la désirait plus que tout.
« Tu ne vas pas me tuer tu
sais ? » continua-t-elle, la voix plus assurée.
Elle tenait son bras et la lame
tremblait à quelques centimètres de son visage gracile.
« Et pourquoi donc ? »
« Parce qu’il y a chez moi
une lettre. Qui affirme que je t’ai vu frapper ta femme. Que je te trouve
violent avec elle et que cela m’inquiète. Si tu y touches tes mains brûleront.
Mais si je meurs, un sort l’envoie directement chez Ursula, ma délicieuse
voisine. » Elle planta son regard dans le sien, le bras de l’homme se
faisait moins puissant. « Alors vas-y, tue moi. »
« Tue moi »
continua-t-elle « et ta vie part en fumée plus surement que si je te
tuais de mes propres mains. »
Graham pleurait à présent. Des
larmes d’impuissance et d’horreur mêlées. Amy exultait.
Il était devenu plus inoffensif
qu’un enfant en pleurs. Elle le prit dans ses bras, murmurant des paroles
réconfortantes à son oreille.
« Chut. Voilà, ça va aller.
Il n’y a plus rien entre nous maintenant, tu verras, tout ira bien. »
« Tout ira bien. »
« Non Thomas, je ne suis pas
sûre de vouloir qu’on se quitte… »
« Mais il le faut Amy, ne
fait pas l’enfant, on s’est bien amusés. Je me marie avec Elise dans trois
jours, toi et moi c’est fini maintenant. »
Amy leva vers l’amour de sa vie
un regard implorant.
« Dégage de chez moi. »
« Tu m’as traitée comme une
putain. Une sale trainée. Tu m’as utilisée et puis tu m’as jetée. J’ai
énormément souffert tu sais. Plus qu’Elise n’a souffert, beaucoup plus, parce
que moi ça n’est pas parti en dix-huit petits coups contre un mur. »
Douleur. Douleur et souffrance.
« Je t’aime tu sais. Je
t’aime encore. Je pense que je t’ai aimé dès la première seconde. Je pense que
je suis tombée dans la folle dès lors que tes mains se sont posées sur les
miennes. »
Amy continuait de serrer l’homme
abattu dans ses bras.
« Je t’aime comme une folle.
Je crois bien que je le suis devenue. Folle. »
Elle riait doucement, mais sans
s’arrêter, comme une machine qui déraillait.
Quand le couteau se planta dans
ses entrailles, elle ne broncha même pas.
Elle cracha juste une gerbe de
sang et tomba au sol.
Graham pleurait toujours, les
deux femmes de sa vie étendues au sol. L’aimée et la désirée. Baignant toutes
deux dans leur propre sang.
« Je t’aime je t’aime je
t’aime. »
Elise. Amy.
Amy. Elise.
« Je t’aime je t’aime je te
hais. »
L’homme fit volte face, laissant
les deux corps imbiber le tapis de la chambre du liquide poisseux. Il saisit un
grimoire vieux et oublié, couvert de poussière.
Il allait faire quelque chose qui
le dégoutait plus que tout.
Quelque chose qu’il répugnait.
Il allait effacer Elise de la
mémoire du monde.
Rayée de la carte.
N’en resterait qu’une tâche
indélébile sur un tapis à présent écarlate.
« Je te déteste je te
dénigre je te désire je te dénude te je détruis. »
Lorsqu’il revint dans la chambre,
il ne restait que le corps d’Elise, disloqué contre le mur. Celui d’Amy s’était
volatilisé. Ne restait qu’un message rouge sang qui souillait la paroi jadis
blanche.
« Je
t’haime. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Take a ticket to the highway