lundi 30 juillet 2012

Garde fou.

Vous vous souvenez peut-être encore des deux premiers textes sur Gabriel et Isidora : Celui-ci  (1) et celui-là (2).
 En voici la "suite" !
Je vous enjoins de lire ce texte avec dans les oreilles "Eyes on fire" de Blue Foundation !


Garde-fou.
Les étoiles plongeaient dans le miroir de la Seine, se baignaient dans l’immense étendue d’eau calme. Le fleuve se prélassait tranquillement sous les ponts de Paris, immenses attaches entre l’île de la cité et le reste de l’immense mégalopole. La lune était rieuse, sa face pleine de malice, ronde comme une orange. Personne ne semblait vouloir s’aventurer sur le pont neuf. Isidora caressa le parapet de l’édifice vieux comme le beau Paris. Plus si neuf, le pont. Ses doigts agiles glissèrent sur le garde-fou de pierre. Il fallait être justement fou pour s’aventurer par delà la protection rassurante. L’eau du plus célèbre des fleuves français était noire comme l’ébène.
La fête battait son plein, au loin.
Les lumières du jour national crevaient le ciel de l’île et d’ailleurs.
Pourtant Isidora ne se sentait pas d’humeur festive. Juste profondément nostalgique.
La jeune française avait les cheveux bruns, légèrement ondulés et coupés courts. Pour l’occasion, elle portait une robe rouge échancrée au décolleté étourdissant. Elle l’attendait.
Les plus beaux feux s’allumaient dans le ciel quand il posa ses mains sur ses hanches.
Une pièce du puzzle sembla s’emboiter parfaitement pour combler l’existence de la jeune femme. Elle exultait. Son parfum lui emplit les narines, elle se tourna pour contempler son éternel amant.
« Ca fait vingt ans que je t’attends. »
Gabriel eut un sourire en coin, réveillant une fossette de sa joue rasée de près. Ses cheveux noirs étaient coiffés en arrière et il était vêtu aussi élégamment qu’elle.
Doucement, il posa ses lèvres dans le cou d’Isidora et elle soupira d’aise. Il l’embrassa sur le coin de sa fine mâchoire, puis sur les lèvres.
Leur baiser fut long, chaud, torride.
Lorsque leurs lèvres se quittèrent, Gabriel ne souriait plus.
« Quelque chose ne va pas ? »
La voix d’Isidora était rauque, comme éraillée.
Le regard du jeune homme se posa sur le sol, évitant au mieux les prunelles chocolat de la parisienne.
« Gabriel, que… »
Le jeune homme ferma les yeux.
« Pas eu de chance cette fois-ci Isi, on tente une autre d’accord, la dernière. »
Isidora semblait peiner à respirer. D’une voix plus éteinte encore, elle répondit :
« C’est toujours la même chose, je me plais cette fois moi. Viens vivons ensemble cette fois. J’en ai marre de tout recom… »
Sa voix s’éteignit simplement. Ses yeux délicatement maquillés s’écartèrent de surprise alors qu’elle avait de plus en plus de mal à respirer.
D’une main coupable, Gabriel essuya ses lèvres du cyanure qui les empoisonnaient et but une gorgée de l’antidote. Pas tout de suite. Plus tard.
Isidora toussait.
« Tu m’avais dit qu’on vieillirait ensemble, cette fois. »
Les yeux d’Isidora étaient horrifiés désormais alors que seul un filet d’air atteignait ses poumons. Ses lèvres s’ouvraient grand dans une tentative désespérée de respirer.
Gabriel détourna le regard quand elle commença à pleurer, ses prunelles emplies de haine.
« P…ourquoi. » fut le dernier mot qu’elle eut la force de prononcer.
« Je savais que tu refuserais. On se voit plus tard, dans 20 ans, peut être que la chance tournera cette fois, que je ne serai pas un tueur, un assassin ou une vermine dans ce genre là, j’en suis lassé. Toi tu as toujours la vie parfaite, moi j’en ai marre. J’fais ça pour toi, pour nous. Je t’aime tu sais. »
La vie s’échappait lentement des iris de la femme qui se voilaient doucement. Le sac rouge sang qu’elle tenait jusqu’alors glissa de ses doigts pour chuter dans les eaux profondes de la Seine. Isidora s’agrippa au garde fou, les jointures blanchies par la force du désespoir.
Lorsque le dernier spasme de l’étouffement lui obscurcit la vue définitivement, son corps chutait dans le vide.
Aux yeux de Gabriel, ce fut un éclat coloré dans la nuit qui s’écrasa durement contre le miroir de la Seine. Comme un rideau qui se fermait sur une scène, les eaux sombres se calmèrent et l’onde reprit son calme coupable.
Déjà d’autres lumières illuminaient Paris.
La police arrivait enfin.
Il finissait par les connaitre par cœur. Tant de vie de malfrats.
Les voitures se placèrent en demi cercle, les mains s’armèrent, les bras tremblaient pour certain.
Doucement, Gabriel monta sur le parapet du pont neuf. Les délicates moulures s’étendaient sous ses pieds. Il tenait là, en équilibre parfait devant une cinquantaine d’hommes.
Un policier murmura « tu sais pourquoi on l’appelle le Chat ? On dit qu’il a plusieurs vies. »
Gabriel se fit un plaisir de répondre.
« A l’instar du chat, j’ai plusieurs vies. A la différence prêt que j’en ai bien plus que sept. »
La réplique acide lui brûla la gorge. Même lui était acerbe, lassé de ces vies.
« Sur ce, messieurs. »
Le jeune homme avala d’un trait le reste du cyanure et sourit.
Le vide lui tendit ses bras réconfortant, prometteur d’un nouveau départ proche.
Oui, la mort par la chute était décidément la meilleure.




> La suite ♥

1 commentaire:

  1. Ahlala, ça faisait longtemps que je n'étais pas venue.
    J'ai adoré ton texte (et noon, je n'ai pas rit, promis ♥). Je pense même que c'est l'un de mes préférés même si je n'arrive pas à m'empêcher de faire le rapprochement avec AHSchool.
    Voilà. Adios muchacho.

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